L'Homme de l'Ouest (Man of the West)
Anthony Mann (1958)
"L'homme de l'ouest" est à Anthony MANN ce que "L Homme qui tua Liberty Valance" (1962) est à John FORD: une œuvre testamentaire (c'est son avant-dernier western) et crépusculaire. Link Jones, comme l'acteur qui l'interprète (Gary COOPER) est un héros au bout du rouleau. Comme dans le film de John FORD cité plus haut il ne trouve pas sa place dans la civilisation qui s'implante toujours plus à l'ouest, symbolisée par le train. Et au-delà ? Il n'y a plus personne sinon des villes fantômes. Le temps du western est révolu. C'est tout le drame du personnage pathétique de Dock Tobin (Lee J. COBB) de refuser de voir la vérité en face. Avec les quelques hommes qui lui reste (et qui ne sont guère fiables excepté le cousin de Link, Claude, joué par John DEHNER) il se terre dans une ferme abandonnée, hors du monde. C'est depuis ce tombeau qu'il échafaude des plans sur la comète, tous voués à l'échec. Il s'aveugle également sur les raisons du retour de son fils prodigue échappé d'un train qui va trop vite pour lui mais qui pourtant à aucun moment ne manifeste son envie d'être là. Car on sait qu'il a trouvé la voie de la rédemption dans une communauté qui l'a accepté avec son passé (comme dans "Les Affameurs" (1951) mais celle-ci reste hors-champ comme une sorte d'utopie inaccessible (pour le spectateur en tout cas).
Au-delà de son aspect crépusculaire, "L'homme de l'ouest" a des caractéristiques propres au cinéma d'Anthony MANN qui préfigurent ce que sera quelques années plus tard le western de Sergio LEONE. C'est une approche âpre et frontale de la violence, certaines scènes versant même dans le sadisme. Ce sont des personnages sales et mal rasés, plus proches de la bête que de l'homme qui cèdent à leurs pulsions primaires et crient comme des veaux qu'on égorge. C'est un héros ambigu au passé trouble, Anthony MANN ayant l'art et la manière de retourner les acteurs positifs des films de Frank CAPRA (Gary COOPER et avant lui James STEWART). C'est aussi l'impression de confinement qui se dégage du film, les règlements de compte se déroulant en vase clos comme sur une scène de théâtre, que ce soit à l'intérieur d'une ferme ou dans le désert.
Si en dépit de sa qualité, ce western suscite des appréciations contrastées, c'est en raison principalement de quelques problèmes sur les personnages et le casting. Lee J. COBB est beaucoup plus jeune que Gary COOPER, or il joue le rôle de son ancien mentor censé être beaucoup plus âgé. Par conséquent Cobb est grimé et surjoue ce qui sonne faux. D'autre part les deux compagnons de Link, Billie (Julie LONDON) et Sam (Arthur O CONNELL) sont des poids morts dont Anthony MANN ne sait que faire.
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