La Rivière sans retour (River of No Return)
Otto Preminger (1954)
L'unique western réalisé par Otto PREMINGER a aujourd'hui pas mal de détracteurs. Il y a ceux qui butent sur les effets spéciaux datés du radeau en gros plan et ceux qui sont choqués par la relation brute de décoffrage entre Robert MITCHUM et Marilyn MONROE. Pourtant les transparences des films de Alfred HITCHCOCK tout aussi voyantes ne gênent personne, pas plus que la mysogynie rance des comédies musicales de cette époque (sans doute en raison de l'élégance de l'emballage).
Il faut donc remettre le film dans son contexte. "La rivière sans retour" n'est certainement pas un film progressiste. Il est pro-colonisation et pro-armes, les indiens sont réduits à n'être qu'un élément de l'environnement hostile que doivent dompter les si courageux pionniers, la relation entre les sexes est primaire "Moi Tarzan, toi Jane". Et pourtant le fait est que ce film est passionnant et magnifique.
Un homme, une femme, un enfant qui ne se connaissent pas sont embarqués dans une odyssée initiatique qui aboutit à la formation d'une famille recomposée. L'intrigue est limpide comme de l'eau de roche et les enjeux dramatiques sont suffisamment forts pour tenir en haleine. L'enfant est l'élément fédérateur entre deux adultes que tout sépare a priori: Matt, un fermier rustre (Robert MITCHUM) et Kay, une chanteuse de saloon éprise d'un aventurier dans scrupules (Marilyn MONROE). Le "fluvial-movie" dans les paysages grandioses du Canada leur permet d'apprendre à se connaître en révélant leurs différentes facettes. Matt est un puritain pétri de préjugés qui cependant n'est pas lui-même sans tache. Il tente de se reconstruire en dissimulant son passé. Kay l'oblige à l'assumer devant son fils. C'est donc un homme vulnérable comme le montre sa dépossession quasi immédiate des deux symboles de puissance virile que sont le fusil et le cheval. Son comportement face à Kay est celui de l'homme des cavernes: il l'embarque sur son dos comme un vulgaire paquet, la frictionne vigoureusement comme un cheval et lui saute dessus avec sauvagerie. Et quand Robert MITCHUM est sauvage, il n'y va pas à moitié comme il le démontrera également un an plus tard avec "La Nuit du chasseur (1955)". Kay bouscule ses repères comme Marilyn MONROE le fait avec les spectateurs. Kay est un de ses plus beaux rôles. Les passages musicaux soulignent ses différentes facettes. Elle est tout à tour vénale sur "One silver dollar", séductrice sur "I'm gonna file my claim", tendre et maternelle sur "Down in the Meadow" et profondément mélancolique sur la chanson-titre "The River of no return".
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