Hors-Jeu (Offside)
Jafar Panahi (2006)
Les films de Jafar Panahi sont indissociables du contexte dans lequel ils ont été réalisés. Comme ses jeunes héroïnes, Jafar Panahi a bravé les autorités religieuses iraniennes qui font pleuvoir les interdictions sur sa tête depuis près de 20 ans. Il a développé des méthodes éprouvées pour pouvoir continuer à tourner clandestinement en utilisant le format vidéo, moins surveillé et en employant une double équipe, la première, déclarée officiellement n'étant qu'un leurre pour lui permettre de pouvoir continuer à travailler.
"Hors-Jeu" se déroule durant le match de qualification de l'Iran contre le Bahrein pour la coupe du monde 2006. Le début, la fin et les quelques plans volés du match ont été tournés dans le stade Azadi et ses alentours, au moment des faits, donnant au film un aspect documentaire renforcé par la présence d'acteurs et actrices non professionnels. Le caractère d'urgence et d'interdit de ces séquences prises sur le vif se joue à un double niveau: dans le film avec ces filles qui cherchent à ruser pour entrer dans le stade coûte que coûte alors qu'elles n'en ont plus le droit depuis la révolution islamique de 1979 et derrière la caméra avec Panahi qui filme sous le manteau et à l'aveugle.
Le résultat, outre sa maîtrise globale (en dépit des conditions de tournage et d'une fin improvisée en fonction du résultat du match) est un témoignage saisissant de l'oppression subie par la jeunesse iranienne de la part des traditionalistes détenteurs du pouvoir. Le face à face des supportrices avec les jeunes soldats chargé de les parquer et de les surveiller dans un recoin extérieur du stade démontre que les garçons sont tout autant victimes que les filles du puritanisme. La plupart d'entre eux préfèreraient regarder le match. Mais ils sont sous pression et conditionnés comme le montre l'incroyable scène des toilettes où le soldat traque la moindre trace suspecte de cohabitation des sexes. L'humour, très présent met en relief l'absurdité du système et aussi son hypocrisie. Des filles parviennent toujours à se glisser parmi les garçons dans les tribunes (comme l'a fait la propre fille du réalisateur, lui donnant ainsi l'idée du film) de même que tout le monde en Iran se débrouille pour voir les films de Panahi pourtant interdits.
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