Les maîtres du temps
René Laloux (1982)
A titre personnel, "Les Maîtres du temps", deuxième réalisation de René Laloux 10 ans après "La planète sauvage" (toujours d'après un roman SF de Stephan Wul) me fait penser à un mélange de "Nausicaa de la vallée du vent" d'Hayao Miyazaki et de la série de Nina Wolmark "Les Mondes engloutis". "Nausicaa de la vallée du vent" est l'exact contemporain des "Maîtres du temps" et la similitude des décors est frappante. On sait qu'Hayao Miyazaki s'est beaucoup inspiré des œuvres de Jean Giraud (alias Moebius) pour réaliser son film. Or c'est Moebius qui a co-écrit le scénario et réalisé les dessins du film de René Laloux. En revanche question fluidité de l'animation, on est plus proche des standards d'une série TV que d'un film long-métrage pour le cinéma. La parenté avec "Les Mondes engloutis" se retrouve également dans les graphismes, certaines créatures (les ornithorynques), certains plans (celui de l'affiche notamment).
Le principal défaut des "Maîtres du temps" provient de sa production hasardeuse en Hongrie. Le film semble être un patchwork de scènes mal raccordées entre elles où l'animation (pauvre) est inégale et le comportement des personnages pas toujours cohérent. Mais peu importe car ce n'est pas essentiel. Ce qui est essentiel, ce sont les fulgurances visuelles (par exemple l'image de synthèse finale) et l'histoire, étrange, fascinante, complexe avec toute la réflexion philosophique qui l'accompagne. A travers la relation par micro interposé d'un enfant perdu (la planète "Perdide" est proche phonétiquement de la Perdita de "Un conte d'hiver" de Shakespeare) et de l'équipage d'un vaisseau issu d'un autre espace-temps (dont un vieux "loup de mer", Silbad proche phonétiquement de "Simbad"), le film évoque le cycle de la vie à ses deux extrémités: l'enfance et la vieillesse. Le film s'adresse de façon particulièrement mature aux enfants car il confronte son petit Robinson à la mort, à la solitude et à la fuite du temps. Et en même temps il s'adresse à l'enfant qui sommeille en chaque adulte et qui n'attend que d'être réveillé. Il y a également une réflexion sur le totalitarisme et le libre-arbitre propre à un film engagé réalisé pendant la guerre froide.
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