Notre pain quotidien (Our Daily Bread)
King Vidor (1934)
Une fille de la ville (Barbara Pepper) qui débarque à la campagne et fait tourner la tête d'un paysan, John Sims (Tom Keene) au détriment de sa femme Mary (Karen Morley) cela fait penser au scénario de "L'Aurore" de Murnau. Sauf qu'ici la tentatrice ne met pas seulement en péril un mariage mais l'existence d'une communauté toute entière dont les membres repartent à zéro dans le contexte de la crise de 1929. Le collectif et l'individuel, la politique et l'amour sont en effet ici indissociables.
Récit typique de la Grande Dépression (on pense aux "Raisins de la colère" d'autant plus qu'il y a un acteur commun aux deux films, John Qualen mais aussi à "L'Extravagant M.Deeds" de Capra), il ne s'agit pas pour autant d'une chronique historique réaliste. On navigue plutôt entre l'utopie collectiviste et la parabole religieuse:
- Le récit est d'une part une fable humaniste qui déploie une vision du travail et de l'argent très éloignée de la doxa capitaliste. La crise rend l'individualisme tragique. C'est pourquoi la solution passe par la formation d'une collectivité. Il ne s'agit pas de socialisme car l'Etat est absent mais plutôt d'anarcho-syndicalisme c'est à dire d'une coopérative autogérée où les biens sont mis en commun et où la solidarité et l'entraide jouent un rôle essentiels.
- D'autre part le retour à la terre est raconté comme une parabole religieuse. Le titre reprend un morceau de la prière "Notre père". John Sims est un nouveau Moïse qui guide les chômeurs vers la terre promise. Il est aidé par Louie (Addison Richards) qui en fait est un truand mais dont le sacrifice permet à la communauté de survivre. C'est également le fantôme de Louie qui remet John sur le droit chemin quand il est sur le point de tout abandonner. Louie est à la fois la voix et le fils de Dieu. Cela donne de quoi réfléchir.
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