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Répulsion (Repulsion)

Publié le par Rosalie210

Roman Polanski (1965)

Répulsion (Repulsion)

De la trilogie des appartements de Polanski (Répulsion, Rosemary's Baby et Le Locataire) c'est Répulsion que je préfère. Ce n'est ni un brouillon comme l'affirme son réalisateur (les créateurs ne sont pas toujours lucides sur leur propre œuvre) ni un film de genre horrifique. C'est un chef-d'oeuvre. Tout est réussi dans ce film: le choix de Catherine DENEUVE dont le pouvoir d'attraction n'est plus à démontrer et qui remarquablement dirigée fait une composition étonnante, la lumière en clair-obscur et les décors de plus en plus distordus, les trucages artisanaux qui font penser à Cocteau, la mise en scène (tant visuelle que sonore), le montage.

Le film offre deux points de vue. Externe et interne.

Le point de vue externe est celui des personnages qui gravitent autour de Carol. On peut y ajouter une partie des critiques du film. Aucun ne manifeste la moindre empathie vis à vis de Carol. Helen, la sœur antinomique de Carol est dans le déni (sa sœur est juste "trop sensible"), son amant, un macho grossier se rend compte qu'elle ne va pas bien mais la traite avec mépris ("elle devrait voir un docteur"), son "amoureux" la harcèle tout en n'utilisant avec elle qu'un registre badin stéréotypé qui sonne horriblement faux, ses collègues pensent qu'elle a juste besoin de se changer les idées etc. Quant aux critiques, ils posent un diagnostic de frigidité et de schizophrénie bien pratique pour éviter de creuser un peu la question et y découvrir des vérités qui dérangent.

Le point de vue interne est celui de Carol. Le film s'ouvre et se clôt sur un gros plan de son œil, comme une plongée dans les abysses de son être. On pense forcément au générique de Vertigo (bien qu'il y ait aussi des analogies avec Psychose et Pas de printemps pour Marnie du même réalisateur). Carol qui est belge apparaît comme un être désemparé dont la solitude et l'isolement dans une ville étrangère et hostile (Londres) sont sans cesse soulignés. Ce motif est récurrent dans toute l'œuvre de Polanski et fait écho à l'enfermement en soi-même que symbolise le huis-clos, ici sous la forme d'un appartement qui devient la métaphore de l'organisme de Carol. Celui-ci est en voie de désagrégation mentale (le symbole le plus éprouvant est le lapin en décomposition mais les fissures dans les murs et les légumes flétris ont la même signification). La cause de cette désagrégation est l'impossibilité de se protéger face aux intrusions extérieures. Quelles que soit les tentatives de Carol pour se bunkériser et se couper du monde l'appartement est sans cesse soit dans l'imaginaire halluciné de Carol soit dans la réalité, forcé, pénétré, agressé (la porte défoncée par Colin, le violeur qui entre dans la chambre en dépit des obstacles, le propriétaire qui s'invite, l'épouse de Michael qui insulte Carol au téléphone en la prenant pour sa sœur, les mains masculines qui sortent des murs). Les meurtres de Carol ne sont que des réactions défensives devant les agressions masculines. Sa folie est sa seule échappatoire. La photo d'enfance sur lequel se termine le film n'est pas là par hasard, elle montre que le traumatisme est ancien et a commencé dans le cadre familial. On y voit la sœur visiblement heureuse et choyée, intégrée dans la famille et Carol en retrait regardant déjà ailleurs.

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