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Mustang

Publié le par Rosalie210

Deniz Gamze Ergüven (2015)

Mustang

Je n'étais pas enthousiaste au début à l'idée de voir ce film. Je pensais l'avoir déjà vu et même plutôt 2 fois qu'une. En 1991 avec Cinq filles et une corde, un film chinois de Hung-Wei Yeh où 5 sœurs ne trouvaient d'issue à leur situation que dans la mort puis en 1999 avec le beaucoup plus connu Virgin Suicides de Sofia Coppola où 5 sœurs ne trouvaient d'issue à leur situation que dans la mort. Jamais deux sans trois, un cinéphile a réussi à me convaincre de retourner voir les 5 sœurs, non plus en Chine ou aux USA mais en Turquie. Non plus pour subir passivement leur destin mais pour ruer dans les brancards. Une révolte viscérale, physique comme dans Augustine où Alice Winocour la co-scénariste de Mustang filmait en 2012 une jeune femme hystérique hyper-sensuelle (jouée par Soko) dans une société hyper-corsetée, celle de la France du XIXeme siècle.

Mustang est en effet très supérieur aux deux titres précités parce qu'il ne se contente pas de filmer mollement les ravages du système patriarcal. Il a la rage, la fièvre de sa jeune héroïne, Lale dont le regard farouche, indompté ne nous quittera plus. Si elle fait corps avec ses sœurs, le film adopte son point de vue et c'est la seule des 5 qui du début à la fin ose dire non et cherche sans relâche une issue (autre que la mort s'entend). Il faut dire que le sort réservé à ses aînées ne lui laisse aucun doute sur ce qui l'attend, chaque tentative d'escapade se soldant par un tour de vis supplémentaire. Mais en dépit de sa réclusion, elle se fait de précieux alliés comme sa professeur (alors qu'elle n'a plus le droit d'aller à l'école) ou le jeune chauffeur-livreur Yasin (alors qu'elle n'a pas le droit de côtoyer un garçon). Mais l'ironie de l'histoire est que son plus grand allié devient (à son corps défendant) son plus grand oppresseur, l'oncle Erol lui-même dont la maison cadenassée et la voiture vont être des instruments essentiels de sa grande évasion (Eastwood étant un autre allié implicite).

En nous plongeant ainsi au cœur de ce système d'oppression, le film fait l'état des lieux d'une société schizophrène où un pas en avant est suivi de trois pas en arrière. L'éducation en particulier est montré comme la clé de l'émancipation des filles mais le poids du qu'en dira-t-on pèse si lourd dans les villages que leurs habitants n'hésitent pas à les en priver, se mettant ainsi hors la loi. Seules les villes semblent en mesure de résister à cette pression des forces les plus réactionnaires et obscurantistes. Istanbul pour Lale c'est le pays d'Oz. Et pour y aller, elle fait comme Dorothy, elle chausse ses plus beaux souliers rouges et part sur la route.

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