La Ruée vers l'or (The Gold Rush)
Charles Chaplin (1925)
Drôle, poétique, mélancolique et engagé sans que jamais l'un de ces aspects ne prenne le pas sur l'autre ou n'alourdisse l'ensemble. La ruée vers l'or, troisième long-métrage du cinéaste (après le Kid et l'Opinion publique) est une manifestation éclatante de cet art d'équilibriste dont Chaplin avait le secret. L'image de la maison balancier en est la parfaite illustration. Comme tout le monde, j'aime les gags cultes de la dégustation de chaussures et de la danse des petits pains qui allient drôlerie et poésie. Un talent de mime et d'imagination dans le détournement de la fonction usuelle des objets qui atteint ici la perfection. Les clous fixés sur la semelle deviennent des os de poulet, les lacets des spaghettis, les petits pains et les fourchettes plantées dedans des pieds et jambes de danseur manipulés avec grâce par un Charlot marionnettiste. La scène du mirage où sous l'effet de la faim Charlot devient un poulet géant aux yeux de son compagnon d'infortune et celle de la bagarre pour la possession de la maison jettent une lumière crue sur la rudesse de la vie des chercheurs d'or où règne la loi de la jungle. Mais la scène que je préfère est celle du réveillon mélancolique et solitaire de Charlot. Moqué pour sa pauvreté, sa supposé faiblesse et sa candeur, il regarde les festivités (le rêve américain dont il est exclu) derrière la fenêtre et son visage exprime une douleur indéfinissable. Cette scène préfigure aussi bien l'avenir du cinéaste que la tonalité de ses œuvres ultérieures beaucoup plus désabusées et/ou critiques.
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