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Opening night

Publié le par Rosalie210

John Cassavetes (1977)

Opening night

Une claque cinématographique qui a inspiré d'autres films de premier plan comme Tout sur ma mère d'Almodovar ou Black Swan de Daren Aronofsky mais qui reste beaucoup moins connu. De nombreux grands et/ou beaux films centrés sur l'âme féminine (et j'emploie cette expression à dessein car il ne suffit pas qu'une femme soit l'héroïne d'un film pour qu'il exprime une quelconque féminité) sont ainsi passés sous le radar. Parmi eux, plusieurs Cassavetes centrés sur Gena Rowlands (Minnie et Moscowitz, Une femme sous influence et Opening Night, les deux derniers étant à juste titre considérés comme ses chefs-d'oeuvre.)

La peur de vieillir est un thème récurrent chez Cassavetes. Une peur qu'il exprime dans plusieurs de ses films au travers de femmes solitaires et vieillissantes aux prises avec le désir, l'amour, la sexualité. Dans Opening Night qui se situe dans l'univers du théâtre et a pour héroïne principale une star quadragénaire, Myrtle Gordon (Gena Rowlands, éblouissante, au sommet de son art), la question de l'image et de la carrière ajoutent une dose supplémentaire de tourments. Myrtle se débat sur scène et en coulisses avec un rôle, celui de Virginia, qui lui renvoie une image désespérée d'elle-même. La pièce qui s'intitule "second woman" (la seconde femme) a été écrite par une femme sexagénaire, Sarah Goode (Joan Blondell) dont l'état d'esprit résigné se rapproche de la chanson de Léo Ferré "Avec le temps". Et pour couronner le tout, Nancy (Laura Johnson), une jeune groupie de dix-sept ans qui poursuivait la voiture de Myrtle est renversée et meurt sur le coup. Le fantôme de Nancy, symbole de la jeunesse enfuie de Myrtle revient la hanter et la torturer, tel un double maléfique. L'auteur de la pièce, le producteur David Samuels (Paul Stewart), le metteur en scène Manny Victor (Ben Gazarra) et les autres acteurs la voient sombrer dans la folie et tentent tant bien que mal de la maintenir à flots (quand ils ne sont pas tentés de la laisser tomber, lassés par ses "caprices"). Mais Myrtle est une femme qui même au fond du trou ne se résigne pas et remonte la pente (une fois de plus la métaphore de l'escalier fait des merveilles). Comme le dit l'un des membres de l'équipe technique de la pièce "jamais je n'ai vu une femme aussi ivre qui pouvait encore marcher." Combattant pied à pied la fatalité (un texte déjà écrit), elle n'hésite pas à improviser et à changer les dialogues et le sens de la pièce. La dernière demi-heure du film est ébouriffante de par les enjeux existentiels qu'elle soulève. Devant un vrai public convoqué pour assister au captage des scènes tournées de la pièce, on y voit Myrtle et sa robe rouge sang (en opposition avec la robe de deuil portée au début de la pièce) transformer en temps réel le drame en grosse farce avec la complicité de son partenaire longtemps récalcitrant Maurice Aarons qui n'est autre que John Cassavetes. La mise en abyme semble vertigineuse mais chez Cassavetes, vie, théâtre et cinéma ne font qu'un car ils sont traversés par les mêmes flux énergétiques. D'où un film d'une rare puissance en forme de résistance au temps qui passe.

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