Metropolis (Metoroporisu)
Rintaro (2001)
La citation de Jules Michelet qui ouvre le film "Chaque époque rêve à celle qui va lui succéder" donne à penser que le Metropolis de la dream team japonaise Rintarô (pour la réalisation) Otomo (pour la scénario) et Tezuka (pour l'œuvre originale) est une œuvre de SF classique. En fait il s'agit de ce que l'on peut voir de plus abouti en matière de rétrofuturisme. Il y a le mariage heureux de l'animation traditionnelle sur celluloïd et de l'image numérique en 3D, du graphisme daté des personnages d'Osamu Tezuka et des décors ultra-modernes, de la musique jazz-soul et du bruit de machines ultra-perfectionnées. Le tout au service d'une histoire prenante aux enjeux humains particulièrement forts, l'œuvre de Tezuka prenant souvent des accents shakespeariens.
Osamu Tezuka est le père du manga et de l'anime japonais. Il a dessiné le manga Metropolis à la fin des années 40 en s'inspirant d'une photo du film de Fritz Lang (qu'il n'avait pas vu). Cependant il y a une vraie communauté d'esprit entre les deux œuvres et le film de 2001 en tient compte en les combinant harmonieusement. On retrouve donc une cité futuriste, remplie de gratte-ciels, de routes suspendues et de ballons dirigeables divisée en castes se partageant l'espace selon une logique verticale. Les riches et les puissants vivent dans la tour centrale nommée "Ziggourat" en référence à la tour de Babel de Lang, lancée vers le ciel comme un défi à Dieu. Les pauvres s'entassent dans les souterrains du premier niveau. Contrairement au film de Lang qui se situait dans les années triomphantes du tayloro-fordisme, le film de Rintarô plus contemporain évoque le chômage de masse lié à la robotisation des tâches d'exécution. Car la société est désormais tripartite, les robots esclaves-instruments se situant tout en bas de la hiérarchie. Et tout au fond de la cité également, dans la centrale nucléaire du niveau -2 et la station d'épuration du niveau -3. Certains ont le droit de venir travailler à la surface mais une organisation paramilitaire, les Marduk veille arme à la main à ce qu'aucun robot non autorisé ne se promène "hors zone". Ses méthodes brutales et sanguinaires sont calquées sur celles des milices fascistes et nazies. Leur chef Rock est le fils adoptif du Duc Rouge qui règne sur la cité.
Rejeté par le duc, Rock découvre que celui-ci manipule un scientifique hors-la-loi, le professeur Laughton, pour construire un robot d'une espèce nouvelle, un être surhumain qui permettra au duc d'obtenir un pouvoir éternel. Un insupportable rival pour Rock d'autant plus qu'il a été fabriqué à l'image de la petite soeur décédée du Duc Rouge, Tima (une reine de Mésopotamie). Là encore, les ressemblances avec le film de Lang sont frappantes. Rock détruit le laboratoire, tue le professeur Laughton et traque Tima avec acharnement pour la détruire.
La composition tripartite de la société explique que la révolte ouvrière ne soit évoquée qu'en arrière-plan du film avec un chef, Atlas qui évoque à la fois Hugo et Delacroix. Mais c'est moins la liberté que la fureur qui guide le peuple lorsque qu'il met en pièces ceux qui sont encore plus déshérités qu'eux. Car la question de l'humanité des robots occupe le premier plan du film. L'évolution de Tima est de ce point de vue éloquente. Robot "nouveau-né" qui n'a pas conscience de son identité, elle tombe d'abord entre de bonnes mains, celles du jeune Kenichi dont l'oncle enquête sur le professeur Laughton. Traitée avec amour, elle se sent humaine et conserve son innocence au point d'être comparée à un ange. Mais lorsqu'elle est capturée par le Duc et touchée en plein cœur par la balle de Rock, elle se transforme en arme de destruction massive, échappant à tout contrôle. Le robot est en effet ce que nous en faisons: un être de lumière ou un puits de ténèbres.
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