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Liliom

Publié le par Rosalie210

Frank Borzage (1930)

Liliom

Plastiquement, Liliom est un film superbe. Bien que parlant, il se situe dans le prolongement des œuvres muettes du cinéaste très influencées par l'expressionnisme allemand. Les décors stylisés, dépouillés et géométriques sont à la limite de l'abstraction. On a le plus souvent affaire à deux plans. Le premier plan quasi vide évoque une scène de théâtre. Le second plan visible par une grande ouverture montre les lumières et les formes circulaires ou elliptiques de la fête foraine nocturne. Cet irréalisme des décors contribue à créer une atmosphère onirique voire féérique renforcée par des lumières contrastées en clair-obscur. Il permet d'effectuer en douceur le basculement de la dimension terrestre vers la dimension céleste. Celle-ci passe du deuxième au premier plan lorsque le train du grand huit visible au fond de l'image change de direction, se rapproche et passe soudain par l'ouverture, traversant la chambre pour emporter l'âme du défunt.

Mais si la forme enchante voire éblouit, le contenu n'est pas à la hauteur et tourne rapidement à vide. On aurait pu presque s'en passer tout comme des paroles, bien inutiles tant le film est proche de l'esthétique du muet et du cinéma expérimental. Borzage a adapté une pièce de théâtre du dramaturge hongrois Ferenc Molnar publiée en 1909 qui raconte l'histoire de Julie, une domestique naïve qui tombe éperdument amoureuse d'un séduisant mais veule bonimenteur de foire, Liliom. Quoiqu'il lui fasse subir, elle l'accepte avec le même air de mouton résigné. Julie incarne pour Liliom l'espoir d'échapper à une vie qui à l'image du carrousel où il travaille tourne en rond. Il lorgne vers la ligne de fuite des rails, vers une nouvelle vie en Amérique, vers la rédemption par l'amour. Mais Liliom est un personnage minable, un velléitaire bouffi d'orgueil qui refuse les offres d'emploi honorables qu'il ne trouve pas assez bien pour lui. Il se fait entretenir par Julie puis se compromet avec un voleur. Mais de cela aussi il est incapable et préfère lâchement se supprimer. Qu'un personnage aussi médiocre se voit offrir par l'au-delà une seconde chance alors que personne d'autre n'a eu ce privilège défie l'entendement. La manière dont il l'utilise laisse pantois tout comme la façon dont son acte est interprété ("non ce n'est pas un échec.") Et Julie et sa fille d'en rajouter sur le thème "Il me frappe mais ça ne fait pas mal." (C'est merveilleux quoi!) Où quand Borzage mélange amour absolu et maltraitance et tente de le justifier. Bref, c'est daté, daté et cet aspect ne passe plus aujourd'hui. A sa sortie ce drame fantastique atypique connut un échec critique et public retentissant et les passages religieux furent censurés dans certains pays ce qui faillit compromettre la carrière de Borzage.

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